Biréli Lagrène, l’album Gipsy Trio

23 septembre 2009 0 Par yeca

VisuelGipsyTrio

Bireli Lagrène, virtuose aux idées toujours surprenantes, publie « Gipsy Trio » avec les fidèles Diego Imbert à la contrebasse et Hono Winterstein à la guitare. Un groupe qui a le swing chevillé aux cordes. Biréli ne perd jamais de vue que la guitare est avant tout un jeu, un jeu où l’on doit toujours prendre du plaisir. Et c’est sans doute ce qui frappe le plus à l’écoute de ce disque : Biréli s’amuse. Au fil des plages, il batifole, il taquine, il s’emporte, il feinte, il plaisante, il rigole, il jongle, il frime, il singe, il invente et surprend.. Biréli Lagrène a, une fois n’est pas coutume, allégé son traditionnel Gipsy Project pour n’en conserver que sa quintessence rythmique. « Gipsy Trio » a déjà largement salué par la critique comme un disque majeur de son auteur.

Au commencement, il y a Django. Dans la langue des Manouches, cela signifie « je réveille ». De tous ses disciples, Biréli Lagrene est celui qui, avec le plus d’audace, d’autorité et d’indiscipline, réveille sa musique d’une longue tradition mimétique. Biréli n’appartient évidemment pas à la cohorte des intégristes obsessionnels de la musique inventée par le « Divin manouche, tous ces épigones trop zélés chez qui le culte de la répétition se confond avec la répétition du culte. Sa réponse est simple et directe : « Django m’a aidé à aller voir ce qui se passe ailleurs. »

Biréli Lagrene, grand taiseux dans la vie ordinaire, n’est jamais aussi volubile qu’avec une guitare entre les mains. Sa technique phénoménale et sa vélocité ailée ne sont pour lui que de simples accessoires. Elles participent uniquement de la grammaire nécessaire à la libre expression de la musique qui bouillonne en lui. La virtuosité, cette plaie de la musique quand elle n’est qu’ostentatoire et démonstrative, rime souvent avec vanité. Bien loin d’être l’un de ces matamores de la guitare mitraillette, Biréli s’affirme d’abord comme un jazzman d’instinct et d’instant, un improvisateur d’une exceptionnelle et permanente créativité. Pourtant, il ne joue pas de ce qu’on nomme pompeusement de la « musique créative ». Lui pourtant, sans préméditation, sans fioritures ni ratures, il est perpétuellement créatif. C’est parce qu’il ne joue que pour la musique, pour qu’elle advienne et jaillisse naturellement sous ses doigts, dans le feu du jeu, dans la surprise de l’échange. Conséquences : aucune note de trop pour déséquilibrer l’élégance et troubler la fluidité de ses longues phrases sinueuses. Aucun effet de manche pour épater la galerie. Aucune roublardise, rien que de la gourmandise. Fouetté par une mise en place impeccable, zébré de fusées imprévisibles, griffé de fulgurances, son jeu est sans cesse soulevé par la vague d’un chant intérieur, une gaieté lyrique intense, toujours teintée, comme souvent chez les Manouches, d’un doux nuage de nostalgie.

Avec ce nouveau disque, dans la formule spartiate du trio de cordes (14 au total !), Biréli retrouve ave bonheur ses deux fidèles complices, le toujours parfait Diego Imbert à la contrebasse et Hono Winterstein qui scande à la guitare d’accompagnement les quatre temps et fait derrière lui admirablement la pompe, cet immuable et souple balancement, griffe du swing gitan. À la tête d’un attelage aussi sûr que précis, Biréli peut en toute liberté tutoyer les sommets de son art. Le répertoire, intelligemment enchaîné, est composé de thèmes peu visités de Django, de « Broadway Melodies », de standards que l’on croyait éculés, d’une chanson française oubliée, d’une valse ardente signée de sa plume et d’un hommage amical à Francis Dreyfus pour célébrer quinze années de compagnonnage phonographique.

À partir d’un tel tremplin, le flamboyant guitariste peut prendre magnifiquement son envol. Et nous gratifier de l’un de ses meilleurs albums.

Biographie

Biréli Lagrène est un « phénomène de la guitare » (dixit John Mc Laughlin). Révélé au début des années 80, l’enfant prodige a su passer avec brio le cap de la maturité, s’affirmant de jour en jour comme un musicien de plus en plus incontournable dans le monde de la guitare et dans celui du jazz, où il fait désormais figure de référence.

L’histoire commence en Alsace, au sein de la communauté manouche, où Biréli naît en 1966, d’une famille de musiciens. Initié très tôt par son père, puis par son frère, le tout jeune Biréli surprend par sa précocité. Plus d’un, et non des moindres, se retrouveront sous le charme. Ainsi de Matelot Ferré, compagnon de Django Reinhardt, que l’interprétation du jeune prodige impressionnera.

Django, c’est, durant ces années-là, « la grande affaire » de Biréli, qui copie note à note les chorus du maître. « Tout gamin… je remettais les disques sans cesse, jusqu’à ce que j’arrive à le refaire. Par la suite, j’ai compris qu’il valait mieux respecter les grands guitaristes que les imiter. » Chez Biréli, la virtuosité ne va en effet jamais sans la fraîcheur de l’inspiration. C’est la grande leçon qu’il retient de Django, qui éclate au long de ses premiers albums. « Routes to Django », tout d’abord, qui sort en 1980, bientôt suivi de « Biréli Swing ’81 », puis de « Biréli Lagrène 15 », trilogie en forme de « manifeste libre », selon l’étymologie même du mot « manouche » (« homme libre »). Aussi bien le jazz, pour Biréli, se confond-il avec cette liberté primordiale, « une liberté qui n’a pas de limites… ». « Django m’a aidé à aller voir ce qui se passe ailleurs », précise-t-il.

Si Biréli est d’abord un enfant de Django, si la fluidité d’un Wes Montgomery ou d’un George Benson n’ont pas manqué de le marquer, au passage, de leur empreinte indélébile, c’est surtout vers Jaco Pastorius et Weather Report qu’il se tourne ensuite. A partir de 1986, celui qui s’est déjà frotté à des partenaires de la trempe de Stéphane Grappelli ou de Larry Coryell se lance en effet « à corps perdu » dans l’aventure de la fusion, multipliant les expériences et les rencontres. Hésitant même un moment sur l’instrument à adopter (sous l’influence de Pastorius, Biréli est devenu un redoutable bassiste). C’est finalement la guitare qui le requiert définitivement, pour une période de recherche où il se forge un style éblouissant, tout en manifestant d’exceptionnelles facultés d’adaptation, soutenues par un talent d’improvisateur qui le place parmi les plus grands. On le retrouve donc aux côtés de John Mc Laughlin, de Paco de Lucia, d’Al Di Meola, de Jack Bruce et Ginger Baker, pour une reformation de Cream, auprès de Stanley Clarke, Miroslav Vitous, Lenny White, Mike Stern… sans compter les deux albums live qu’il enregistre avec Pastorius lui-même.

Au détour des années 90, l’album « Acoustic Moments » constitue une belle synthèse de ce parcours, et comme une pause, avant la consécration, que Biréli, musicien-funambule, obtiendra en jouant la carte « classique » des standards, avec un « Live in Marciac » (1994) salué par la critique. Cette entrée du guitariste sur le label Dreyfus Jazz coïncide avec une reconnaissance toujours plus large sur les scènes nationales et internationales. Django d’Or en 1993, Victoires de la Musique en 2001 pour « Front Page », un « power trio » formé avec Dominique Di Piazza et Dennis Chambers qui enregistre pour Universal, Victoires de la Musiques de nouveau en 2002, couronnant le succès et la popularité du « Gipsy Project ».
À 35 ans, après s’être « baladé » sur presque tous les fronts de la guitare moderne, après avoir dialogué avec quelques-unes des plus fines lames du jazz hexagonal (Didier Lockwood, Richard Galliano, Sylvain Luc…), c’est en risquant l’audace d’un pari incroyable, entre virtuosité et profondeur, que Biréli Lagrène, sauvage et subtil, vif comme l’éclair, décide de renouer avec la musique de ses origines. « Gipsy Project & Friends », deuxième album gravé par ce quintette de choc, célèbre donc avec bonheur, et avec un naturel désarmant, l’ancrage dans une tradition que Biréli, au sommet de son art, possède sur le bout des doigts.

Toujours dans cette tradition de jazz manouche, Biréli sort l’album « Move » en 2004 qui a la particularité de remplacer le violon par un saxophone. Répertoire saisissant. Swing étourdissant. L’album est magistral. Le succès grandissant, Biréli Lagrène tourne dans les plus grands festivals avec son Gipsy Project jusqu’à son triomphe à l’Olympia en 2005.

En octobre 2006, pour fêter les 40 ans de ce musicien hors-norme, Dreyfus Jazz édite un 2CD exceptionnel : Biréli Lagrène avec le WDR Big Band et Biréli Lagrène solo.

En avril 2007, sort enfin le nouvel album studio de Biréli Lagrène. À la formation de l’album « Move » (guitares, contrebasse, saxophone), s’ajoute le batteur éblouissant : André Ceccarelli. Pour le plus grand plaisir de tous, Biréli Lagrène s’associe une nouvelle fois à la guitare de Sylvain Luc pour un nouvel album studio en duo à paraître au dernier trimestre 2007. Et en 2009, il revient en version trio pour un éblouissant Gipsy Trio salué dans toute la presse.